Page 2 - La Gatineau 10 avril 2014
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2 10 avril 2014
La Gatineau
RAPPROCHEMENT MRC-KITIGAN ZIBI
Le chef Whiteduck content, avec des réserves
KITIGAN ZIBI ANISHINABEG - Depuis son élection, le préfet Michel Merleau travaille pour un rapprochement entre Kitigan Zibi et le reste de la région. Nous avons demandé à Gilbert Whiteduck, chef depuis 2008, son point de vue.
Que pensez-vous de la volonté du préfet de faire un rapprochement avec Kitigan Zibi ?
Michel Merleau nous a approchés. Ça a per- mis de parler de dossiers qui étaient en sus- pens depuis plusieurs années. On s’est entendu qu’il fallait une communication régulière. On s’est donné des dates de ren- dez. Nous aussi on peut peut-être partager des choses qui peuvent venir toucher la région, notamment en ce qui concerne le développement de la communauté car il apporte un support à la ville de Maniwaki. Chaque année, il se construit en moyenne une dizaine de maisons. Tous les services, l’achat de matériaux, l’électricien, les plom- biers, on va chercher de l’expertise et des achats à l’extérieur de la communauté.
Est-ce que c’est nouveau que la
MRC vous approche ?
Non c’est pas nouveau dans ce sens là mais monsieur Merleau a peut-être une ouverture différente, une façon de faire qui sera diffé- rente. Il a proposé la mise en place d’un comité de maires, ce qui est nouveau. On va voir ce que ça va donner. On a eu une ren- contre informelle. Il y a beaucoup d’incom- préhension, malheureusement, de nos réali- tés, les lois qui s’imposent à nous, nos droits qui sont particuliers aux Premières nations. Alors c’est toujours une éducation qu’on donne aux gens mais à un moment donné on veut aller au-delà de l’éducation, aller de l’avant. Comment ça se fait qu’on a notre propre école, pourquoi on parle anglais, quand on rencontre des élus et des gens de la région, beaucoup de choses sont méconnues. Souvent on connaît plus l’histoire des autres que eux ne connaissent la nôtre. Souvent je pense que s’il doit y avoir des changements majeurs ça viendra des jeunes.
Est-ce que vous conservez malgré
tout une certaine méfiance ?
Oui et je l’ai expliqué directement à mon- sieur Merleau, qui comprend très bien. C’est une méfiance sur laquelle il va falloir que les deux côtés travaillent. On reste ouverts mais avec une méfiance. Par exemple, notre terri- toire on le voit comme étant un territoire Anishinabeg non cédé sur lequel il n’y a pas de traité. On considère qu’on a des droits inhérents. La MRC a des terres intermuni- cipales qu’elle gère, qui sont des terres de la Couronne. Nous on indique toujours que quand la MRC veut développer ou vendre ces terres, ils ont l’obligation d’en discuter avec nous et on indique aussi que s’il va y avoir des profits qui vont en découler, je pense par exemple à la Baie Newton, elle est où notre part, car ça nous appartient. Cette compréhension là n’est pas là. La MRC a une responsabilité de travailler avec nous.
On a de grands débats avec le Québec concernant le partage des ressources natu- relles, la co-gestion des parcs comme celui de la Vérendrye. On se retrouve toujours,
▲ Gilbert Whiteduck est chef de Kitigan Zibi depuis 2008. Selon lui, les changements majeurs dans les relations entre la réserve et le reste de la région viendront probablement des jeunes.
malheureusement, dans des situations de conflit. Les gens ne sont pas prêts à s’asseoir ou croient que s’ils cèdent quelque chose, ils cèdent leur vie. Il faut qu’il y ait une recon- naissance et dire oui on est prêts à partager. Il y a beaucoup de discussions au Québec sur le partage des revenus mais plus important, les gens nous parlent du côté environnemen- tal. Oui il y a un grand besoin de bois pour des compagnies locales, on le comprend, mais pas à n’importe quel prix. Il faut proté- ger les cours d’eau. Nous on a des gens qui font de la trappe pour supporter leurs familles et il y a plein de coupes qui se font sur leurs territoires sans qu’ils soient impli- qués. Alors il y a toute cette dynamique là en région, pour laquelle on essaye de trouver des solutions. Oui il y a des choses qui se font mais les grands enjeux ne sont jamais réglés.
Quels sont les enjeux principaux
pour Kitigan Zibi ?
C’est toujours le territoire, qui est la base. Je ne parle pas que du territoire de la réserve mais nos territoires ancestraux. Ensuite on peut parler de développement économique, environnement, etc.
Vous avez parlé avec la MRC d’un éventuel parc industriel sur la réserve ?
La MRC est en train de regarder à des parcs industriels et ils nous ont demandé si on serait intéressés d’être à la table. Les lois qui s’appliquent sur les terres de la réserve ne sont pas les mêmes qui s’appliquent dans une municipalité. Pour le moment ce n’est rien de plus qu’un dialogue.
Vous avez donné votre appui au projet de forêt de proximité de Cayamant ?
Ce n’est pas vraiment un appui. Que ce soit Cayamant ou d’autres municipalités, est-ce qu’on va avoir avec ces gens-là des discussions, ça reste à voir. Les critères autour d’une forêt de proximité ne sont pas encore définis. Que ce soit le Pontiac, la municipalité de Cayamant, si on prend pour acquis qu’ils vont avoir une forêt de proximité, nos droits sur ces territoires qu’arrivera-t-il ? Actuellement on a des droits de chasse et de pêche, ça permet d’aller où on veut. Même chose pour l’utilisa- tion des chemins existants sur ces territoires.
Par exemple les Zec, qui sont sur nos terri- toires, demandent une cotisation pour utiliser les chemins dans la Zec. Nous on considère qu’on a pas à payer pour l’utilisation des che- mins. C’est sûr que les chemins leur coûtent de l’argent mais on n’a jamais demandé aux Algonquins si ils pouvaient les utiliser. On ne veut pas de conflit mais on croit qu’on n’a pas à payer. Quand les quads et le skidoo tra- versent la communauté sur l’ancien chemin de fer, on ne charge personne.
Qu’attendez-vous du député élu suite aux élections et du nouveau gouvernement provincial ?
Je n’attends rien en particulier. Le ou la député(e) élu(e) représente son parti et les gens qui l’ont élu(e).
Vous aurez des élections vous aussi en juin, pour élire chef et conseil, est-ce que vous vous représentez ?
Ça dépend. Nous avons une journée mise de côté pour se présenter puis il y a une période jusqu’en juin mais on ne fait pas vraiment de campagne électorale. Quand quelqu’un veut que tu te présentes pour être conseiller ou chef, il faut toujours l’accepter humblement et on ne fait pas de grande campagne, on ne se met pas en avant. Moi c’est comme ça que je l’ai appris.
Aimeriez-vous malgré tout rester chef ?
Cela reste à voir, je ne planifie pas comme ça. Je me dis toujours que lorsqu’on est élu, on ne devrait pas penser tout de suite aux prochaines élections. Tu fais de ton mieux et si la population veut t’avoir, on voit. C’est pas parce qu’on est élu qu’on a un rôle plus important qu’un autre dans la communauté. Chacun est important. Chacun dans le cercle a un rôle. Le chef est un porte-parole des idées, des positions générales de la communauté.
Sylvie Dejouy
Anniversaire de l’obtention du droit
de vote
LA GATINEAU - Le 31 mars marquait le 54e anniversaire de l’obtention du droit de vote par les membres des Premières Nations au Canada. Au Québec, ce droit leur a été accordé en 1969.
Si cela pourrait être considéré comme une grande avancée pour les autochtones, le Chef Whiteduck n’est pas du même avis : «Oui il y avait eu des demandes de la part de Premières Nations mais plein de gens ne l’avaient pas demandé. Alors ça a été imposé, car il y avait un but derrière tout ça : de dire vous êtes maintenant des Canadiens, des Canadiennes, vous n’avez plus de droits par- ticuliers en tant que Premières Nations, vous faites partie de la grande famille du Canada. C’était l’assimilation, l’intégration, pour qu’on disparaisse.»


































































































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